Toussaint
L’âme, disais-tu, est ce vent aigre, ou ce verre vide, ces pas d’insecte, ces ustensiles de fer blanc
L’âme est un drap de lit que l’on déplie, que l’on replie, à l’heure de naître puis de mourir
Nul ne rentrera sain et sauf de sa propre vie
Il fait un ciel d’en bas dans les branches rigides des croix
En robe de chambre mauve, de petites vieilles chaussées de pantoufles épaisses
Transportent de gros chrysanthèmes mouillés.
Quand elles repartent, la porte grince
Des anges invisibles s’inclinent parfois au-dessus des tombes où le nom s’efface
Des morts punis sous la terre douce
Couchés dans le berceau de satin blanc et de bois clair
Où n’entre plus le songe ni la rumeur
Ni le rayon de l’aube, ni le murmure des voix d’amour
Là où craquèle et se fendille une dernière fois la chair
Ils dorment, dit-on. C’est peu dire. Ils oublient tout réveil
Ayant traversé le temps de bout en bout jusqu’à cette heure béante et noire
Où l’on ne vieillit plus, quittant d’un coup son âge et toutes ses pensées.
Toussaint
The soul, you said, is this sour wind, or this empty glass, the tiny steps of insects, these white iron
utensils
The soul is a bed sheet that we unfold at birth and gather up again at death
No one will return safe and sound from his own life
Beneath the rigid arms of the crosses the sky forms
A mauve dressing gown, little old ladies in thick slippers
Carrying bunches of big wet chrysanthemums.
When they leave again the door squeaks,
Angels squint sometimes at the slowly disappearing names on tombstones
Where the dead are condemned to silence under the soft earth
In beds of white satin and pale wood
Where neither dream or rumor comes knocking
Not even the muffled footsteps of dawn, or the murmur of lovers
Where the flesh cracks one last time
They are merely sleeping, people say
Of those who have forgotten they were ever awake, having traversed time from one end
To the other to reach this blessed black hour
Suddenly refusing to grow older
Leaving behind their age, their thoughts