SAMIRA NEGROUCHE
Translated from the French (Algeria) by Marilyn Hacker
Six makeshift trees around my bathtub
Man part animal part flower part metal part human
The Approximate Man, Tristan Tzara
*
Above our heads a vertical shadow
vibrates
a shadow that flaps above our heads
a clandestine whistling
on the arid plain above our overloaded
heads
and while there’s that whistling that whistling
unanticipated
as our buzzing skulls
a cement roof accommodates our moods
on the makeshift platform
the constellation set adrift
in the fog of the senses
you have not abandoned the dusty wreckage
vertical shadows race at the dunes’ edge
your eyes bandaged behind concave ice
anti-UV protection not guaranteed
a piano’s black keys
at the dunes’ edge
a scale that makes no sound
you have not abandoned the dusty wreckage
a vertical shadow
planted on the arid plain
that you water with promises
the metallic organ that vibrates
at the edge of a lung
on the cement platform
where the musics clash
protection not guaranteed
for a makeshift totem
**
in the rock garden
a mute man dances
we don’t know what funeral oration
they say a deaf man
sows steps of abundance
and solar circles
he was not born to hear
the world exploding
is there a place washed up
on a forgotten ridge
where the news wouldn’t arrive
where the news wouldn’t be implied
where the news wouldn’t be felt
is there a breech in time
that isn’t waiting
to fix our gaze
on suffocated screens
are there eyes in this world
ears in this world
that were born
to welcome
into their souls
obscenity
obscenity
obscenity
obscenity
obscenity
and turn away
and not turn away?
*
**
what I like about Jesus
are his faded feet
and those of his companions
— thirteen haloes –
on the abandoned icons
of the small Bulgarian Mount Athos
I’m not talking about the fig tree
— the fig tree Jesus illuminates—
nor of the cascade of rocks
— more like the Grand Canyon than Galilee—
Jesus’ delicately faded feet
made me think of the rock paintings
of Tassili
there is no foot as finely
traced on Hoggar’s boulders
they are long slender figures
suspended
exactly like the Christ
suspended fixed and dynamic at once
it’s a lightning bolt
an allusion stripped of logic
or so it seems
you find what you find
above all when it’s different from what you see
what I like about the astrophysicist
are his premonitions
when he says perhaps
when he says that statistics
have altered physics
fixed it in place
emptied
disembodied
when he says that matter
isn’t matter
that time and space
are heresy
that we humans
take ourselves too seriously
thinking ourselves fragile
inventing ourselves powerful
that we invent landmarks
that we forget having invented them
that we must relinquish control
when he says perhaps
give your doubt back its soul
**
**
It seems like
a cartoon
tchouri comet under surveillance
for the good of humanity welcome life
matter organic welcome
non-hallucinogenic mushrooms
preferably
Japanese
that seems more serious
as far as cartoons are concerned
and micro-tchouri
everything is in fact
a game of marbles
marbles of varied size
on a cloth of varied textures
on an infra-silent language
no protection guaranteed
from bubbles
and scattered micro-lakes
around which chairs are overturned
that can be read as cuneiforms
depending on the branches
network of aquatic bubbles
a solid form
gaseous
visible
under
my bowl of water seemingly
isolated
the cradle
of a wireless
network
***
**
It seems unlikely to me
that a key-word
would open anything whatever
worth the bother
words don’t open anything
actually
function paralyses words
I acknowledge the statistic
paralyses
all the software
by saturation
***
***
a cuneiform language lies
in the branches
of a sacred wood
it holds no secret
that can be translated to sound
it is not the virtual transposition
of any narcissism
barely a dream
a geographical arrangement
of what we call life
there are trees in my head
around my bathtub
because the universe is much too large
far from my puddle of water
Six arbres de fortune autour de ma baignoire
homme un peu animal un peu fleur un peu métal un peu homme
l’Homme approximatif, Tristan Tzara
*
il y a sur nos têtes une ombre verticale qui vibre
une ombre qui claque sur nos têtes
un sifflement clandestin
dans la plaine aride sur nos têtes
encombrées
et pendant que ça siffle que rien ne prévoit que ça siffle
que nos crânes bourdonnent
c’est un toit en béton qui accueille nos humeurs
nos flancs téméraires sur la plate-forme de fortune
la constellation larguée
dans le brouillard des sens
tu n’as pas abandonné l’épave poussiéreuse
des ombres verticales courent à lisière de dunes
tes yeux emmaillotés derrière la glace concave
protection anti UV non garantie
des touches noires à lisière de dunes
un solfège sans bruit
tu n’as pas abandonné l’épave poussiéreuse
une ombre verticale plantée dans la plaine aride
que tu irrigues de promesses
l’organe métallique qui vibre à lisière de poumon
sur la plate-forme de béton
où les musiques s’entrechoquent
protection non garantie
pour un totem de fortune.
**
dans le jardin de rocaille
un homme muet danse
on ne sait l’oraison funèbre
un homme sourd dit-ton
sème des pas d’abondance
et des cercles solaires
il n’est pas né pour entendre
la déflagration du monde
y a-t-il un lieu échoué
sur une crête oubliée
où les nouvelles ne parviendraient pas
où les nouvelles ne se supposeraient pas
où les nouvelles ne se sentiraient pas
y a-t-il une brèche de temps
qui n’attende pas
de figer nos regards
sur les écrans asphyxiés ?
y a-t-il des yeux en ce monde
des oreilles en ce monde
qui soient nés
pour accueillir
en leurs âmes
l’obscénité
l’obscénité
l’obscénité
l’obscénité
l’obscénité
et s’en détourner
et ne pas s’en détourner ?
***
ce que j’aime de Jésus
ce sont ses pieds délavés
et ceux de ses compagnons
– treize auréoles –
sur les icones abandonnées
du petit mont Athos bulgare
je ne parle pas du figuier
– le figuier que Jésus illumine –
ni de la roche en cascade
– ça ressemble plus au grand Canyon
qu’à la Galilée –
ces pieds finement délavés de Jésus
me font penser aux peintures rupestres
du Tassili
il n’y a aucun pied aussi finement
tracé sur les roches du Hoggar
ce sont des silhouettes longilignes
suspendues
exactement comme le Christ
suspendues figées et dynamiques à la fois
c’est un éclair
une allusion dénuée de logique
en apparence
on trouve ce qu’on trouve
surtout si c’est autre chose qu’on observe
ce que j’aime de l’astrophysicien
ce sont ses pressentiments
quand il dit peut-être
quand il dit que la statistique
a altéré la physique
l’a figée
vidée
désincarnée
quand il dit que la matière
n’est pas matière
que le temps et l’espace
sont hérésie
que nous autres humains
nous prenons trop au sérieux
à nous croire fragiles
à nous inventer puissants
que nous inventons des repères
que nous oublions les avoir inventés
qu’il faut lever le contrôle
quand il dit peut-être
rendre son âme à ton doute
**
**
ça ressemble
à un cartoon
tchouri comète surveillée
pour le bien de l’humanité accueillir la vie
matière organique accueillir des
champignons non hallucinogènes
japonais
de préférence
ça fait plus sérieux
en terme de cartoons
et de micro tchouri
tout est véritablement
un jeu de billes
des billes à dimensions variables
sur un tissu à textures variables
sur une langue infra-silencieuse
protection non garantie
des bulles et des micro lacs disséminés
autour desquels les chaises se renversent
que puissent se lire des lettres cunéiformes
au gré des branchages
network de bulles aquatiques
forme solide gazeuse apparente sous
ma bassine d’eau isolée en apparence
le berceau
d’un réseau
sans fil
***
**
il me semble difficile
qu’un mot-clé
puisse ouvrir quoi que ce soit
qui en vaille la peine
les mots n’ouvrent rien
véritablement
la fonction paralyse le mot
j’assume la statistique
paralyse
tout logiciel
par saturation
***
***
une langue cunéiforme git
dans les branchages
d’un bois sacré
elle ne renferme aucun secret
qui se traduise en termes sonores
elle n’est la transposition virtuelle
d’aucun narcissisme
à peine un songe
un aménagement géographique
de ce qu’on appelle vie
il y a des arbres dans ma tête
autour de ma baignoire
parce que le cosmos c’est bien trop grand
loin de ma flaque d’eau.