Claire Malroux

Elegy for a Young Garden
February 8, 2013 Malroux Claire

Elegy for a Young Garden

 

Shattered bricks, flayed sockets

Facing the snow’s glare of absence

The air’s shock, expectation of an avalanche

Our eyes    Our emptiness    Our anguish

Spades and saws, old tools of amputation

Left on the site by the black laborers

(They’ll return tomorrow and tomorrow

With huge plastic shrouds

To gather the debris, arms, feet

And fists of plants like human

Limbs in an earthquake or a massacre )

 

 

Annihilated garden, statue with feet of clay

Although anchored in earth  To anchor it within

Yourself would be a trap    Paradises only last

When lost    Bury it in your own depths instead

The fir tree upside down to seize

The soil’s surging, the bushes hollowed

To cradle all that aspires to air

The ivy to serve as its own rampart

Let memory be supple earth which you

Turn and re-turn, fallow ground and rootlings

Far from the flowerbeds of eternity

 

 

Muted noise

Of stones thrown on the earth

Bodies fall

 

Memories

Dissolve

Without a breath

 

No rip in time

No anchor either

 

For anyone living

The fall and the flight

Are eternal

 

Who will sing of change

So that the song becomes whole

 

 

The garden has been driven from its den

On the roof-terrace of the building’s parking lot

Where, with the cats, it yawned at seasons

(Its crime: giving shelter to rain)

The naked plot parodies a beach

Alignment of translucent dunes

Glass roofs, steel-encircled gravestones, with nothing

Around them to soften their geometry, neither

Lyme grass nor that thistle concentrating sky

And ocean blue in the sand

 

 

A calm installs itself, a space between

More moving than what comes before or after

Already birdsong has begun again

In a leafy elsewhere, the earth bends its ear

There’ll always be that anticipation

Of a world on its way to beauty

Against the tide of entropy

Where sorrow sees only a seed ripped out by the wind

 

 

Each stage of the renovation

Violently contradicts hope

Convalescence with strange relapses

Like that trellis of fine stakes and wire-mesh

As if to shelter the terrain

Stripped of its treasure

(In spite of its resemblance to sepulchers

Opening the underworld to the light of day

This will never be a ground for excavations

Except perhaps after the galactic wars)

 

 

Only the watchtower is lacking

Unless even my onlooking is complicit

With the human rage to imprison

Determined to force back the exuberance

Of any life which escapes it

Still there’s a hope:

If wires  bedeck that jewel-box

Lianas and climbing stems may quench

The eye’s thirst, clematis, sweet

Peas, and why not, morning glories?

 

 

Prosaic relapse   No botanical

Arabesque to dress the emptiness

No festoons to whisk off the vertigo

The aim of the enclosure: to prevent a fall

From the platform   New European

Standards, like the bathtub

Shower and toilet in a hotel room

Where, for a century, travelers

Had slept facing an insalubrious washbasin

 

 

For a long time the gardeners ambled

Thoughtlessly behind their lawnmower

Now there’s concern about their balance

But not out of philanthropy Instead they’re given

Full responsibility for any suicide

Nothing will decorate the guard-rail  That would be

An incitement to throw oneself against the ropes

Before the match was over, to renounce living

And sink into the arms of another life

 

 

Mowed down, the last soldiers standing guard

At the foot of the platform

Who, as I did,  hurled into the battle

The bloodless spring leaves

Tried to slow down the gallop of the void

But a rumbling never ceased

In the furious silence

Lying in ambush in the heart of color –

 

 

Last witnesses huddled in the skip

Cut in small pieces like the children in the tub of brine

Before the arrival of the saint

Scattered with the poem’s letters

Why insist on mourning the green and the living

Stone, glass, steel are destiny’s bones

Left for dreamers: ponds, mud, drool

Stammerings

 

 

That garden was a young man

Barely thirty years old and so

A bit like my son, my brother, my lover

Fed on my watching, I like to think,

As much as on light, on water, on juices

Whose name, if you think of Mozart’s concerto

Was a guide through sound’s exuberant order

Instead, let music, not language

Fill with the senses’ absence

The silence where this young garden precedes me

In all its lack of being

 

 

No verse will re-create Eden

Even if garden almost rhymes with eden

No Adam will re-create Eden

No Eve will re-create the sap

Even if a poet’s name

Rhymes with the vegetal blood

No Eden will rewrite the verse

Even if eden almost rhymes with garden

No Eden will re-write Adam

No sap will re-write Eve

Even if the vegetal blood

Rhymes with a poet’s name

But everything cries out that for a garden

There is no life without Adam and Eve

No life for Eve and Adam

Without eden

 

 

At the far end of the garden

A world’s-end silence

The last gardener goes by. Conscientiously

He turns over the humus

Wisps of straw and dead seeds

Slip between his fingers

Though the plants did their best

Fixed in the ground they could not

Halt  the phantom drunk on his own speed

 

 

Élégie pour un jeune jardin

 

Briques cassées, orbites à vif

Face à l’éclat du néant de la neige

Le choc de l’air, l’attente de l’avalanche

Nos yeux   Notre vide   Nos angoisses

Bêches et scies, outils anciens pour l’ablation

Lâchés sur place par les travailleurs noirs

(Ils reviendront demain et encore demain

Avec de grands linceuls en plastique

Ramasser les débris, bras, pieds

Et poings des végétaux comme des membres

Humains dans un carnage ou un séisme)

 

 

Jardin anéanti, statue aux pieds d’argile

Quoique amarrée au sol  L’amarrer en soi

Serait leurre   Les paradis n’ont de durée

Que perdus   Plutôt l’enfouir au tréfonds

Le sapin à l’envers pour saisir

L’élan du sol, les arbustes en creux

Pour porter tout ce qui aspire à l’air

Le lierre pour être son propre rempart

Que la mémoire soit terre souple qu’on

Tourne et retourne, friches et surgeons

Loin des plates-bandes d’éternité

 

 

Bruits sourds

De pierres qu’on jette au sol

Des corps tombent

 

Des souvenirs

Sans un soupir

Se dissolvent

 

Nul accroc dans le temps

Nulle ancre non plus

 

Pour le vivant

Éternelles sont

La chute et la fuite

 

Qu’il chante le changement

Pour que le chant soit entier

 

 

On a expulsé le jardin de son gîte

Sur la terrasse du parking de l’immeuble

Où il bâillait aux saisons avec les chats

(Son délit : laisser entrer les pluies)

Le terrain nu est une parodie de plage

Alignement de dunes translucides

Verrières, tombeaux cerclés d’acier, sans rien

Autour pour adoucir la géométrie, ni

Oyat ni ce chardon qui fixe le bleu

Du ciel et de l’océan dans le sable

 

 

Un calme s’installe, un entre-deux

Plus émouvant que l’avant et l’après

Déjà les chants d’oiseau ont repris

D’un ailleurs feuillu, la terre tend l’oreille

Toujours il y aura cette attente

D’un monde en chemin vers la beauté

À contre-courant de l’entropie

L’angoisse n’y voit qu’une graine déchirée par le vent

 

 

Chaque étape du renouveau

Contredira violemment l’espoir

Convalescence avec d’étranges rechutes

Ainsi ce treillis de fins poteaux et fils de fer

Comme pour mettre à l’abri le terrain

Vidé de son trésor

(Ce ne sera jamais un lieu de fouilles

Malgré le simulacre de sépultures

Ouvrant au jour le monde d’en bas

Sinon après les guerres des galaxies)

 

 

Manque le mirador de jadis

À moins que mon regard ne soit complice

De la furie humaine d’enfermement

Acharnée à refouler l’exubérance

De toute vie qui lui échappe

Pourtant l’espoir encore :

Si les fils allaient habiller cet écrin

De lianes et tiges grimpantes pour étancher

La soif de l’œil, clématites, pois de

Senteur et, pourquoi pas, lianes aurores

 

 

Prosaïque rechute  Nulle arabesque

Végétale pour déguiser le vide

Ni feston pour escamoter le vertige

Le but de la clôture : empêcher toute chute

Depuis la plate-forme  Nouvelles normes

Européennes, comme les bains

Douches et W.-C d’une chambre d’hôtel

Où les voyageurs un siècle durant

Ont dormi dans l’insalubre

Face au seul lavabo

 

 

Longtemps les jardiniers ont déambulé

Tranquillement derrière leur tondeuse

Voici qu’on s’inquiète de leur équilibre

Mais non par philanthropie  On leur laisse

L’entière responsabilité d’un suicide

Rien n’égayera le garde-fou  Ce serait

Incitation à s’élancer vers les cordes du ring

Avant la fin du match, renoncer à vivre

Pour sombrer entre les bras d’une autre vie

 

 

Éliminés les derniers soldats montant la garde

Au pied de la plate-forme

Ceux qui jetèrent avec moi dans la bataille

Les feuilles exsangues du printemps

Tentèrent d’amortir le galop du vide

Mais il n’avait cessé de gronder

Dans l’exaspération du silence

Embusqué au cœur des couleurs —

 

 

Derniers témoins recroquevillés dans la benne

Hachés menu comme enfants au saloir

Avant la visite du saint

Éparpillés avec les lettres du poème

Pourquoi s’acharner à pleurer le vert et le vivant

Pierre, verre, acier sont les os du destin

Aux rêveurs les étangs, les boues, les baves

Les balbutiements

 

 

Ce jardin était un jeune homme

De presque trente ans et comme tel

Un peu mon fils, mon frère, mon amant

Nourri de mon regard, j’aime à le croire

Autant que de la lumière, de l’eau, des sucs

Le nom si l’on songe au concerto de Mozart

Guide dans l’ordre exubérant des sons

Qu’à l’inverse la musique non la langue

Comble de l’absence de sens

Le silence où ce jeune jardin me précède

De tout son défaut d’être

 

 

Aucun vers ne recréera l’Eden

Même si jardin rime avec éden

Aucun Adam ne recréera l’Eden

Aucune Eve ne recréera la sève

Même si le nom d’un poète

Rime avec le sang végétal

Aucun Eden ne récrira le vers

Même si éden rime avec jardin

Aucun Eden ne récrira Adam

Aucune sève ne récrira Eve

Même si le sang végétal

Rime avec le nom d’un poète

Mais tout crie que pour un jardin

Il n’est pas de vie sans Adam et Eve

Pas de vie pour Eve et Adam

Sans Eden

 

 

Au fond du jardin un silence

De fin de monde

Le dernier jardinier passe  Il remue

Consciencieusement l’humus

Des fétus des graines mortes

Glissent entre ses doigts

Les végétaux ont fait pourtant de leur mieux

Cloués au sol ils n’ont pu

Stopper le fantôme grisé par sa course

 

 

 

Translator: Marilyn Hacker is the author of twelve books of poems, including Names (Norton, 2010) and Desesperanto (Norton, 2003) and an essay collection, Unauthorized Voices ( Michigan, 2010). Her translations from the French include Marie Etienne’s King of a Hundred Horsemen (Farrar Strauss and Giroux, 2008), which received the 2009 PEN Award for Poetry in Translation, and Amina Saïd’s The Present Tense of the World (Black Widow Press, 2011). For her own work, she received the PEN Voelcker Award for poetry in 2010. She is a Chancellor of the Academy of American Poets. She lives in Paris.

Claire Malroux is the author of a dozen collections of poems, including Ni si lointain, (2004) and La Femme sans paroles (2006), both published by Le Castor astral, and also two innovative hybrids. Chambre avec vue sur l’éternité (2005), traces the encounter of two poets – Emily Dickinson and Claire Malroux. Neither a biography of the former nor a memoir of the latter, it is a work of the imagination that reenacts the fascination the American poet has for her French “correspondent,” Traces, sillons, (2009), takes the form of a journal of the poet’s process, as she reflects on books read or remembered, on translating some of those books, and on the emergence of new poems, also given, sometimes in multiple versions, in the text. Three books are available in bilingual editions with Marilyn Hacker’s translation: Edge (Wake Forest University Press, 1996) and A Long-Gone Sun and Birds and Bison , both from Sheep Meadow, 2001 and 2004.