Elegy for a Young Garden
Shattered bricks, flayed sockets
Facing the snow’s glare of absence
The air’s shock, expectation of an avalanche
Our eyes Our emptiness Our anguish
Spades and saws, old tools of amputation
Left on the site by the black laborers
(They’ll return tomorrow and tomorrow
With huge plastic shrouds
To gather the debris, arms, feet
And fists of plants like human
Limbs in an earthquake or a massacre )
Annihilated garden, statue with feet of clay
Although anchored in earth To anchor it within
Yourself would be a trap Paradises only last
When lost Bury it in your own depths instead
The fir tree upside down to seize
The soil’s surging, the bushes hollowed
To cradle all that aspires to air
The ivy to serve as its own rampart
Let memory be supple earth which you
Turn and re-turn, fallow ground and rootlings
Far from the flowerbeds of eternity
Muted noise
Of stones thrown on the earth
Bodies fall
Memories
Dissolve
Without a breath
No rip in time
No anchor either
For anyone living
The fall and the flight
Are eternal
Who will sing of change
So that the song becomes whole
The garden has been driven from its den
On the roof-terrace of the building’s parking lot
Where, with the cats, it yawned at seasons
(Its crime: giving shelter to rain)
The naked plot parodies a beach
Alignment of translucent dunes
Glass roofs, steel-encircled gravestones, with nothing
Around them to soften their geometry, neither
Lyme grass nor that thistle concentrating sky
And ocean blue in the sand
A calm installs itself, a space between
More moving than what comes before or after
Already birdsong has begun again
In a leafy elsewhere, the earth bends its ear
There’ll always be that anticipation
Of a world on its way to beauty
Against the tide of entropy
Where sorrow sees only a seed ripped out by the wind
Each stage of the renovation
Violently contradicts hope
Convalescence with strange relapses
Like that trellis of fine stakes and wire-mesh
As if to shelter the terrain
Stripped of its treasure
(In spite of its resemblance to sepulchers
Opening the underworld to the light of day
This will never be a ground for excavations
Except perhaps after the galactic wars)
Only the watchtower is lacking
Unless even my onlooking is complicit
With the human rage to imprison
Determined to force back the exuberance
Of any life which escapes it
Still there’s a hope:
If wires bedeck that jewel-box
Lianas and climbing stems may quench
The eye’s thirst, clematis, sweet
Peas, and why not, morning glories?
Prosaic relapse No botanical
Arabesque to dress the emptiness
No festoons to whisk off the vertigo
The aim of the enclosure: to prevent a fall
From the platform New European
Standards, like the bathtub
Shower and toilet in a hotel room
Where, for a century, travelers
Had slept facing an insalubrious washbasin
For a long time the gardeners ambled
Thoughtlessly behind their lawnmower
Now there’s concern about their balance
But not out of philanthropy Instead they’re given
Full responsibility for any suicide
Nothing will decorate the guard-rail That would be
An incitement to throw oneself against the ropes
Before the match was over, to renounce living
And sink into the arms of another life
Mowed down, the last soldiers standing guard
At the foot of the platform
Who, as I did, hurled into the battle
The bloodless spring leaves
Tried to slow down the gallop of the void
But a rumbling never ceased
In the furious silence
Lying in ambush in the heart of color –
Last witnesses huddled in the skip
Cut in small pieces like the children in the tub of brine
Before the arrival of the saint
Scattered with the poem’s letters
Why insist on mourning the green and the living
Stone, glass, steel are destiny’s bones
Left for dreamers: ponds, mud, drool
Stammerings
That garden was a young man
Barely thirty years old and so
A bit like my son, my brother, my lover
Fed on my watching, I like to think,
As much as on light, on water, on juices
Whose name, if you think of Mozart’s concerto
Was a guide through sound’s exuberant order
Instead, let music, not language
Fill with the senses’ absence
The silence where this young garden precedes me
In all its lack of being
No verse will re-create Eden
Even if garden almost rhymes with eden
No Adam will re-create Eden
No Eve will re-create the sap
Even if a poet’s name
Rhymes with the vegetal blood
No Eden will rewrite the verse
Even if eden almost rhymes with garden
No Eden will re-write Adam
No sap will re-write Eve
Even if the vegetal blood
Rhymes with a poet’s name
But everything cries out that for a garden
There is no life without Adam and Eve
No life for Eve and Adam
Without eden
At the far end of the garden
A world’s-end silence
The last gardener goes by. Conscientiously
He turns over the humus
Wisps of straw and dead seeds
Slip between his fingers
Though the plants did their best
Fixed in the ground they could not
Halt the phantom drunk on his own speed
Élégie pour un jeune jardin
Briques cassées, orbites à vif
Face à l’éclat du néant de la neige
Le choc de l’air, l’attente de l’avalanche
Nos yeux Notre vide Nos angoisses
Bêches et scies, outils anciens pour l’ablation
Lâchés sur place par les travailleurs noirs
(Ils reviendront demain et encore demain
Avec de grands linceuls en plastique
Ramasser les débris, bras, pieds
Et poings des végétaux comme des membres
Humains dans un carnage ou un séisme)
Jardin anéanti, statue aux pieds d’argile
Quoique amarrée au sol L’amarrer en soi
Serait leurre Les paradis n’ont de durée
Que perdus Plutôt l’enfouir au tréfonds
Le sapin à l’envers pour saisir
L’élan du sol, les arbustes en creux
Pour porter tout ce qui aspire à l’air
Le lierre pour être son propre rempart
Que la mémoire soit terre souple qu’on
Tourne et retourne, friches et surgeons
Loin des plates-bandes d’éternité
Bruits sourds
De pierres qu’on jette au sol
Des corps tombent
Des souvenirs
Sans un soupir
Se dissolvent
Nul accroc dans le temps
Nulle ancre non plus
Pour le vivant
Éternelles sont
La chute et la fuite
Qu’il chante le changement
Pour que le chant soit entier
On a expulsé le jardin de son gîte
Sur la terrasse du parking de l’immeuble
Où il bâillait aux saisons avec les chats
(Son délit : laisser entrer les pluies)
Le terrain nu est une parodie de plage
Alignement de dunes translucides
Verrières, tombeaux cerclés d’acier, sans rien
Autour pour adoucir la géométrie, ni
Oyat ni ce chardon qui fixe le bleu
Du ciel et de l’océan dans le sable
Un calme s’installe, un entre-deux
Plus émouvant que l’avant et l’après
Déjà les chants d’oiseau ont repris
D’un ailleurs feuillu, la terre tend l’oreille
Toujours il y aura cette attente
D’un monde en chemin vers la beauté
À contre-courant de l’entropie
L’angoisse n’y voit qu’une graine déchirée par le vent
Chaque étape du renouveau
Contredira violemment l’espoir
Convalescence avec d’étranges rechutes
Ainsi ce treillis de fins poteaux et fils de fer
Comme pour mettre à l’abri le terrain
Vidé de son trésor
(Ce ne sera jamais un lieu de fouilles
Malgré le simulacre de sépultures
Ouvrant au jour le monde d’en bas
Sinon après les guerres des galaxies)
Manque le mirador de jadis
À moins que mon regard ne soit complice
De la furie humaine d’enfermement
Acharnée à refouler l’exubérance
De toute vie qui lui échappe
Pourtant l’espoir encore :
Si les fils allaient habiller cet écrin
De lianes et tiges grimpantes pour étancher
La soif de l’œil, clématites, pois de
Senteur et, pourquoi pas, lianes aurores
Prosaïque rechute Nulle arabesque
Végétale pour déguiser le vide
Ni feston pour escamoter le vertige
Le but de la clôture : empêcher toute chute
Depuis la plate-forme Nouvelles normes
Européennes, comme les bains
Douches et W.-C d’une chambre d’hôtel
Où les voyageurs un siècle durant
Ont dormi dans l’insalubre
Face au seul lavabo
Longtemps les jardiniers ont déambulé
Tranquillement derrière leur tondeuse
Voici qu’on s’inquiète de leur équilibre
Mais non par philanthropie On leur laisse
L’entière responsabilité d’un suicide
Rien n’égayera le garde-fou Ce serait
Incitation à s’élancer vers les cordes du ring
Avant la fin du match, renoncer à vivre
Pour sombrer entre les bras d’une autre vie
Éliminés les derniers soldats montant la garde
Au pied de la plate-forme
Ceux qui jetèrent avec moi dans la bataille
Les feuilles exsangues du printemps
Tentèrent d’amortir le galop du vide
Mais il n’avait cessé de gronder
Dans l’exaspération du silence
Embusqué au cœur des couleurs —
Derniers témoins recroquevillés dans la benne
Hachés menu comme enfants au saloir
Avant la visite du saint
Éparpillés avec les lettres du poème
Pourquoi s’acharner à pleurer le vert et le vivant
Pierre, verre, acier sont les os du destin
Aux rêveurs les étangs, les boues, les baves
Les balbutiements
Ce jardin était un jeune homme
De presque trente ans et comme tel
Un peu mon fils, mon frère, mon amant
Nourri de mon regard, j’aime à le croire
Autant que de la lumière, de l’eau, des sucs
Le nom si l’on songe au concerto de Mozart
Guide dans l’ordre exubérant des sons
Qu’à l’inverse la musique non la langue
Comble de l’absence de sens
Le silence où ce jeune jardin me précède
De tout son défaut d’être
Aucun vers ne recréera l’Eden
Même si jardin rime avec éden
Aucun Adam ne recréera l’Eden
Aucune Eve ne recréera la sève
Même si le nom d’un poète
Rime avec le sang végétal
Aucun Eden ne récrira le vers
Même si éden rime avec jardin
Aucun Eden ne récrira Adam
Aucune sève ne récrira Eve
Même si le sang végétal
Rime avec le nom d’un poète
Mais tout crie que pour un jardin
Il n’est pas de vie sans Adam et Eve
Pas de vie pour Eve et Adam
Sans Eden
Au fond du jardin un silence
De fin de monde
Le dernier jardinier passe Il remue
Consciencieusement l’humus
Des fétus des graines mortes
Glissent entre ses doigts
Les végétaux ont fait pourtant de leur mieux
Cloués au sol ils n’ont pu
Stopper le fantôme grisé par sa course
Translator: Marilyn Hacker is the author of twelve books of poems, including Names (Norton, 2010) and Desesperanto (Norton, 2003) and an essay collection, Unauthorized Voices ( Michigan, 2010). Her translations from the French include Marie Etienne’s King of a Hundred Horsemen (Farrar Strauss and Giroux, 2008), which received the 2009 PEN Award for Poetry in Translation, and Amina Saïd’s The Present Tense of the World (Black Widow Press, 2011). For her own work, she received the PEN Voelcker Award for poetry in 2010. She is a Chancellor of the Academy of American Poets. She lives in Paris.